Musique (et littérature) d’Amérique latine

La magie des instruments - découvertes musicales personnelles
Il y a un instrument dont le timbre me touche particulièrement. Il m’enveloppe de sa voix chaude et rassurante, et selon les morceaux que je choisis d’écouter, il arrive à provoquer en moi des sensations très profondes. Il peut aussi bien me réconforter que me remplir de gaieté, et il a un tel effet sur moi, qu’il est même capable de me réchauffer! Si j’ai froid, j’écoute une certaine sonate de Schubert et une vague de chaleur et de bien-être m'envahit immédiatement. Cet instrument, le violoncelle, est entré dans notre maison quand l’un de mes frères l’a choisi pour compagnon…
C'était il y a déjà bien longtemps, et voilà que l'année dernière, j’ai fait une autre découverte musicale: un instrument subtil auquel je n’avais jamais spécialement porté attention, car malgré sa sonorité chaleureuse et expressive, sa voix reste souvent dans l’ombre et n’est pas autant mise en avant que le violon ou le violoncelle. Un instrument dont le timbre est peut-être parfois plus introspectif, tout en ayant une grande puissance mélodique, et qui souffre encore aujourd’hui d’un manque de considération alors qu’il a pourtant beaucoup à offrir: il s'agit de l’alto.

Je vous propose aujourd’hui de faire connaissance, non seulement avec l’alto, mais aussi avec la musique d’Amérique latine, en allant écouter cet album:
32_yellowbutterfly.jpg Un clin d'œil à Gabriel García Márquez
Yellow butterfly est un clin d’œil au livre Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez. Cette œuvre littéraire nous plonge dans l'atmosphère latino-américaine du village imaginaire de Macondo, de sa fondation à sa déchéance. Elle met en scène de multiples personnages parfois drôlement excentriques, qui se débattent souvent dans des amours impossibles ou malheureux et expriment chacun à leur façon leur solitude. Il se passe nombre d'événements, auxquels les personnages réagissent avec une créativité parfois inattendue, chacun ayant sa propre manière de faire face aux aléas de la vie. Le roman est truffé d'éléments magiques qui contribuent à l'atmosphère colorée du livre, la placidité du narrateur créant un délicieux décalage humoristique avec les faits racontés. L'écrivain excelle dans l'art de faire apparaître des personnages le temps d'une anecdote divertissante puis de les faire disparaître aussi vite. Et c'est ainsi que surgissent tout à coup Mauricio Babilonia et ses papillons jaunes, qui viennent troubler le cœur de la jeune Meme. Quand elle réalise la présence de ces papillons jaunes à chaque fois qu'elle rencontre cet homme ou s'apprête à le rencontrer, elle est bouleversée et comprend la nature de ses sentiments pour lui. S'ensuit une histoire d'amour qui restera furtive, les nuées de papillons jaunes venant trahir leurs secrets rendez-vous…

Comme dans Cent ans de solitude, on retrouve dans Yellow Butterfly les thèmes de l’amour et de la solitude, et on se laisse entraîner par l’atmosphère animée et colorée de l’Amérique latine, avec sa petite touche de magie.

Un voyage de découverte de mélodies et rythmes emblématiques d’Amérique latine
On découvre ou redécouvre de grands classiques de différents pays tels que La Flor de la canela (Pérou), Bésame mucho (Mexique), Luiza (Brésil) ou Dos Gardenias (Cuba), proposés ici dans une version instrumentale inédite…
… on plonge avec délice dans un peu de légèreté et d'humour avec Quizás, quizás, quizás
… on est impressionné par l'interprétation puissante de La Calle 92 de Piazzolla - il y a vraiment là seulement un alto et une contrebasse?!
… on découvre d'autres compositions avec des accents nostalgiques comme Aller et retour de Juan José Mosalini, bandonéiste et compositeur d’origine argentine qui a vécu en France (Le monde de la musique étant petit, il se trouve qu’il a justement enseigné dans l'un des conservatoires où mon frère a étudié le violoncelle…)
… on est touché par les voix si lyriques et expressives de l'alto et du bandonéon qui s'entremêlent dans Manhã de carnaval et par la douce mélancolie de Estrellita
… et cet album se clôt en beauté par un morceau à la fois tragique et poétique, Alfonsina y el Mar.

Amour et papillons
Les musiciens parviennent avec talent à nous faire ressentir l’âme vibrante de l’Amérique latine - son exubérance, son énergie, mais aussi ses contrastes et ses contradictions - et leur interprétation généreuse et expressive révèle toute une palette de sentiments et de sensations inspirés par l’amour. Car c’est bien lui le fil conducteur de cet album sorti autour du 14 février!
Je vous invite à vous installer confortablement pour apprécier la musique et - qui sait? - en écoutant attentivement, peut-être que vous ressentirez la magie et que des papillons jaunes viendront vous surprendre :-)


Je prie mes amis ukrainiens de ne pas s’arrêter aux noms à consonance russe qui apparaissent sur la couverture de l’album. Les noms se transmettent et trahissent parfois nos origines ou celles de nos ancêtres mais ils ne définissent pas une personne (je pense que je suis bien placée pour en parler). Je comprends que les horreurs de la guerre puissent entraîner un rejet viscéral de tout ce qui a de près ou de loin rapport à la Russie… mais il est question ici de musique d’Amérique latine, et j'espère qu'elle vous touchera autant que moi!