Les salutations: autre pays, autre rituel
La bise est de rigueur
Ici, quand je rencontre une nouvelle personne, cela me surprend toujours que celle-ci fonce sur moi, joue tendue en avant pour me faire la bise. Pas moyen d'échapper à cette incursion dans mon espace privé, ce serait complètement impoli… heureusement, ici on ne se perd pas dans le décompte du nombre de bises: contrairement à la France où le nombre varie selon les régions et les familles, ici c'est toujours UNE bise. Pas de chiffre à annoncer, pas de troisième bise qui claque dans le vide. Ne vivant plus en France depuis quinze ans, je m'étais quand même complètement déshabituée.
A Zurich, on fonce rarement sur une nouvelle personne joue en avant sous peine de se prendre un vent. On se fait un hochement de tête, on échange une poignée de mains… et on réserve la bise plutôt aux personnes qu'on connaît ne serait-ce qu'un tout petit peu (on est alors généreux, la coutume veut qu'on s'en fasse trois). Entre eux, les hommes se serrent la main ou se font une accolade - en Uruguay, c'est bise aussi entre hommes.
Moi qui suis une adepte des salutations par hochement de tête, autant dire qu'ici je peux laisser mon hochement de tête au placard - il n'est pas assez chaleureux et pas considéré comme un vrai salut. Quant à donner une poignée de main, c'est probablement le comble de la froideur, car ça m'a échappé quelques fois et vu la tête qu'a fait la personne en face, je me suis sentie obligée de tendre la joue pour rattraper l'affront… la poignée de main semble réservée aux situations professionnelles, administratives, ou encore aux relations vendeur/client.
Ça va? en Uruguay / Ça va? à Zurich
La bise est accompagnée de la phrase ¿Cómo estás? ¿Cómo va? ou encore ¿Todo bien?
Il n'est pas nécessaire de faire preuve de créativité pour répondre puisque personne n'attend autre chose qu'un simple "¿Bien, y tú?" et je dirais même que personne n'écoute vraiment la réponse (et c'est logique, car quand on arrive quelque part, il faut saluer tout le monde, enchaîner les bises et les ¿Cómo estás?, et on n'a évidemment pas le temps de s'attarder auprès de chacun). J'ai mis un peu de temps avant de réaliser que là encore, c'est juste l'équivalent du dialogue qu'on retrouve dans la plupart des manuels de français dès la première leçon: "Salut, ça va?
-Ça va et toi?
-Ça va!"
Je m'étais là encore complètement déshabituée de ce rituel. A Zurich, quand on demande à quelqu'un comment ça va (Wie geht's?), en général, ce n'est pas vraiment une question de politesse, mais plutôt une invitation à engager la conversation: on n'attend pas vraiment un rapide et automatique "Ça va et toi?", mais plutôt que la personne à qui on s'adresse se mette à parler. Elle peut commencer à raconter sa vie, ou répondre brièvement et s'intéresser d'emblée à son interlocuteur en lui retournant la question.
Et quand on est malade?
Comment faire quand on est malade et contagieux? Les gens ici sont tellement prompts à faire la bise qu'il m'est arrivé de lancer à une personne qui avait déjà avancé son visage à 10 cm du mien "euh, non, j'ai un virus!" C'est un peu tard pour limiter la contagion. Le mot "virus" semble toutefois très efficace pour tenir à distance les gens, il faut juste penser à l'annoncer assez tôt, voire l'accompagner d'un "stop" gestuel en tendant les deux bras paumes ouvertes vers l'avant, voire en reculant. Oui, mais voilà, ça casse complètement la fluidité du rituel, les gens se sentent obligés de prendre des nouvelles, et on n'a pas forcément envie de clamer haut et fort qu'on est malade à chaque parent d'élève qu'on croise à la sortie des classes… alors, tant pis pour les microbes?!… la bise me pose décidément des dilemmes que je n'avais pas avec les hochements de tête:-)