Une année à l'étranger en famille: pourquoi?
Nous avons chacun vécu à différents endroits du globe, que ce soit pour les études ou le travail, et nous avions envie cette fois de partir à l’étranger avec les enfants pour vivre cette aventure avec eux.
Ce qui rend intéressant les expériences à l’étranger, pour moi, ce n’est pas tant de découvrir d’autres lieux et d’autres paysages, ou d’apprendre une nouvelle langue. C’est de rencontrer des personnes d’autres cultures et de découvrir d’autres façons de vivre et d’autres points de vue. C’est une expérience enrichissante et transformative, qui nous oblige à apprendre à nous orienter dans un nouvel environnement, qui met à l’épreuve notre capacité d’adaptation, nous amène à réfléchir à notre propre échelle de valeurs et bouscule notre perception du monde en nous révélant des particularités de notre propre culture dont nous n’avions jusque-là pas conscience. Il s’avère que des choses qui nous paraissaient évidentes ne le sont pas… partout ni pour tout le monde, car nos schémas de pensée sont influencés par le lieu où l’on vit.
Cette expérience d’apprentissage est très précieuse car elle encourage à ouvrir son esprit à d’autres façons de penser, d’autres modes de vie, et à accepter l’autre dans son altérité, c’est à dire en lui reconnaissant le droit de penser et agir différemment. C’est une expérience stimulante, une expérience profondément humaine avant tout. Apprendre une langue étrangère fait partie du processus mais n’est pas la fin en soi de notre aventure interculturelle d’une année à l’étranger.
Et le travail?
Nous avons tous les deux l’immense chance actuellement de pouvoir travailler depuis n’importe où, à condition d’avoir accès à une bonne connexion internet. Michael a sa propre entreprise d’informatique et mon travail actuel se résume à faire ponctuellement des traductions car j’ai préféré profiter ces dernières années de mes enfants.
Et l’école?
Les enfants ont 6 et 8 ans, ils apprennent vite et ne rateront pas une année décisive pour leur scolarité. Cette année leur permettra de découvrir plein d’autres choses, et ils vont de toute façon être scolarisés dans une école locale en Uruguay. Comme l’année scolaire commence en mars et finit mi-décembre, ils auront même la chance d’avoir deux fois des grandes vacances cette année! Nous avons envisagé l’école publique, mais nous souhaitions que les deux enfants puissent être scolarisés au même endroit (dernière année de maternelle et deuxième année de primaire) afin qu’ils puissent se soutenir mutuellement si besoin. Il n’est pas si évident de passer d’une école en forêt suisse (où les enfants sont quasiment tout le temps dehors et ont beaucoup de libertés et de responsabilités) à une école «traditionnelle» (où l’enseignement a lieu dans une salle de classe et est souvent beaucoup plus vertical, avec un plus grand nombre d’élèves). Nous avons donc choisi de leur faciliter la transition en les scolarisant dans une petite école privée. L’enseignement y a lieu en espagnol et en anglais (trouver en-dehors de Montevideo une école privée non religieuse qui n’ajoute pas l’anglais à son curriculum s’est avéré mission impossible), et le concept se base sur l’apprentissage par l’expérience et à travers des projets.
Pourquoi l’Uruguay?
Comme une année, ça passe vite, nous pensions important de pouvoir entrer assez rapidement dans la langue du pays. Nous sommes vite tombés d’accord pour un pays hispanophone, car c’est une langue que j’ai envie d’apprendre et que Michael parle déjà, ce qui nous facilitera les démarches administratives. Il y avait plein de pays possibles, mais parmi la multitude des possibles, il fallait bien faire un choix, et nous avons donc choisi au hasard sur la carte l’Uruguay. Un petit pays d’Amérique du Sud (petit par rapport à ses voisins, parce que sa superficie est quand même quatre fois celle de la Suisse). Un pays qui compte plus de vaches et de chevaux que d’habitants – je pense sincèrement que mes racines normandes ont joué un rôle dans le choix de la destination. Nous avons examiné la question du visa/permis de séjour car ça peut vite devenir un vrai casse-tête. La situation sanitaire et sécuritaire ont également joué un rôle dans notre choix, ainsi que le climat. En bons Suisses, nous avons donc fait un choix… très pragmatique!
Pourquoi pas un tour du monde?
Un tour du monde, ça veut dire visiter beaucoup de lieux différents et donc passer beaucoup de temps à planifier la prochaine étape. Nous souhaitions prendre le temps de rencontrer un lieu et ses habitants. Aller au-delà des "premières impressions". Notre quotidien ne sera pas complètement différent de ce que nous vivons ici car Michael va continuer à travailler, les enfants vont continuer à aller à l’école… et moi je vais continuer à m’occuper avec amour de notre intérieur :-) Non, sincèrement, c’est un luxe d’avoir un quotidien qui n’est pas dicté par les exigences du travail, donc je vais en profiter pour faire ce que j'aime et apprendre plein de nouvelles choses. L’école nous permettra de connaître un peu de monde, et les deux mois et demi de vacances d’été (mi-décembre à fin février) nous suffiront amplement pour aller fourrer notre nez dans d’autres coins de la région.
Pourquoi une année? Pourquoi pas plus/pas moins?
Notre contrat de location nous autorise à sous-louer notre appartement pour maximum une année. Préparer l’appartement pour la sous-location et organiser l’année à l’étranger demande énormément de temps et d'organisation. Vu l’effort logistique, et vu que la logistique ce n’est pas notre fort, nous n’allions pas non plus faire tous ces efforts pour rentrer dans six mois.
Un an, ça nous donne aussi une chance de dépasser la phase initiale d’adaptation, ce qui ne serait pas possible si on restait trop peu. Plus d’un an, ce serait une véritable expatriation, or nous souhaitons vivre une aventure interculturelle, pas nous expatrier. Pour ma part, un an, c’est aussi la bonne durée avant de me mettre en quête d’un nouveau défi professionnel. Et pour les enfants, c’est rassurant de savoir qu’il s’agit d’une parenthèse et que dans un an ils retrouveront leur chambre, leurs jouets, leurs amis. Ils ont besoin d’un "port d’attache" où grandir, développer des amitiés, faire leurs études et se sentir chez eux. Et c’est un pays sans mer que nous avons choisi comme port, un pays où l’on parle nos deux langues, le français et le suisse-allemand, et où nous pouvons passer du temps régulièrement avec nos proches.
Quelles sont nos attentes?
J’espère que malgré les défis qu’une année à l’étranger implique, nous allons faire globalement une belle expérience. Une chose que j’ai retenue de mes années de travail pour AFS Programmes interculturels, c’est que quand on a peu d’attentes, on est plus ouvert à l’expérience interculturelle et plus apte à en tirer le meilleur. Trop d’attentes = déception et difficultés à surmonter les frustrations et à s’adapter. Tout ne va pas être rose, il y aura des hauts et des bas et c’est normal. Nous nous attendons à développer de nouvelles habitudes, à manger des choses différentes, à changer notre rapport au temps… et nous espérons faire quelques belles rencontres.
Dans tous les cas, nous savons que nous partons pour une durée limitée. Quand nous reviendrons dans une année, les enfants seront une année plus grands, mais fondamentalement, nous retrouverons la même chose: même appartement, même quartier, etc. Ce qui aura changé, c’est notre regard: nous aurons découvert d'autres façons de vivre et d'autres points de vue, et regarderons le petit bout d'univers où nous vivons avec d'autres yeux. Nous apprécierons de retrouver certaines choses, nous en regretterons d’autres. Ce ne seront pas forcément les mêmes pour chacun. Et c’est ce qui rend l’expérience passionnante :-)
"Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est" - Marcel Proust, La Prisonnière