Le permis de séjour, acte 2: le dossier en ligne

Après avoir rassemblé à peu près tous les documents nécessaires, nous nous sommes attaqués à la partie "dossier en ligne" du permis de séjour uruguayen. Une activité elle aussi très chronophage!

Les subtilités de la procédure informatisée
Nous avons créé un compte sur le site du ministère de l'Intérieur uruguayen et… sommes restés pantois devant la liste des démarches possibles: laquelle choisir?! https://bpmgob.minterior.gub.uy/tramites/disponibles
Hop, direction l'un des offices de la Dirección Nacional de Migración à Punta del Este pour poser la question…
Le mot magique, c'est "Residencia legal". Il faut constituer un dossier en ligne pour chaque membre de la famille: scanner tous les documents, les télécharger sur le site, sélectionner le lieu où l'on souhaite passer l'entretien et envoyer le dossier. Celui-ci est alors vérifié et s'il manque un papier, une notification nous invite à le modifier. Après plusieurs allers et retours, quand le dossier est enfin complet, on reçoit l'accès à l'agenda, ce qui veut dire qu'on peut enfin prendre rendez-vous pour la audiencia (qui coûte 3500 pesos - environ 70 francs).

Il ne faut pas se plaindre, le site fonctionne plutôt bien techniquement parlant (il y a rarement des bugs). Cependant, selon la ville choisie, il n'y a pas de rendez-vous avant 7 ou 8 mois… et ça serait quand même bien d'avoir notre cédula avant le retour en Suisse cet été :-) La cédula, c'est un document d'identité uruguayen que toute personne résidant en Uruguay est tenue d'avoir. C'est l'aboutissement de la demande de permis de séjour: elle ne donne pas la nationalité uruguayenne, mais elle permet de voyager sans passeport dans les pays du Mercosur et elle facilite de nombreuses démarches, que ce soit pour ouvrir un compte bancaire ou pour simplement s'inscrire sur Mercado libre, le site de petites annonces local.

Nous avons bien sûr commencé par constituer un dossier pour un entretien dans la ville la plus proche (Maldonado). Pas de rendez-vous avant avril. Apprenant qu'on peut déposer une demande dans n'importe quel office - le lieu d'habitation n'importe pas - nous avons voulu essayer une autre ville pour voir si nous pourrions obtenir un rendez-vous plus tôt. Pas de problème, mais pour cela il faut laisser en plan la première demande et recommencer tout le processus, c'est à dire constituer un nouveau dossier, le soumettre aux autorités de la ville choisie (qui n'ont pas toujours exactement les mêmes exigences que leurs collègues)… et voir quand sont proposés les prochains rendez-vous. Si tout le monde fait comme nous et ouvre des dossiers dans plusieurs villes simultanément, il doit y avoir un beau chaos dans la base de données du ministère de l'Intérieur!

Obtenir un rendez-vous
Michael a été le plus chanceux d'entre nous: suite à un désistement, il a obtenu une audiencia début novembre à Piriapolis. Nous avons appris à ce moment-là que ce n'est pas parce que le site indique qu'il n'y a pas de rendez-vous disponible qu'il n'y en a pas. Il y en a très peu en province, et en effet pas avant des mois, mais il est possible d'obtenir un entretien assez rapidement à Montevideo. Il faut juste se connecter au bon moment pour attraper le rendez-vous, car ils en mettent peu en ligne à la fois, et pas toujours au même moment de la journée. Nous avons obtenu deux rendez-vous début décembre à Montevideo pour Magali et pour moi - après la constitution de pas moins de 11 dossiers en presque trois mois, ça aurait presque mérité de sortir le champagne (enfin, le jus de pomme, car je n'aime pas l'alcool). Pour Martin, la procédure est en attente car il nous manque l'apostille de son acte de naissance… mais en discutant avec des Belges qui n'avaient pas encore passé l'entretien après plus d'un an, on a cru comprendre que de toute façon, on peut quand même sortir et réentrer dans le pays, l'important c'est juste que les démarches soient en cours. Si on est "en tramite" c'est bon!

Le château de Kafka: pour relativiser et garder le sens de l'humour
Le Château de Franz Kafka, sa dernière oeuvre (inachevée), a été mon livre de chevet au début des démarches administratives - quand on plonge dans l'univers de Kafka, le permis de séjour uruguayen paraît tout à coup bien simple! :-D

Le personnage principal K. arrive dans un village où il est censé venir travailler comme arpenteur à la demande du maître du château qui surplombe le village. Il est accueilli avec suspicion et hostilité par les villageois, qui remettent en question son statut d'arpenteur. Malentendu? Erreur administrative? K. se met en tête d'obtenir une audience avec les représentants du château pour clarifier la situation. C'est une quête de sens sans fin, car le château est inaccessible. Tout au long du livre, notre personnage se démène et tente de décrypter les règles incompréhensibles et les procédures absurdes qui régissent les liens entre les habitants du village asservis et le château tout-puissant. Persévérant, K. déploie beaucoup d'énergie pour s'intégrer dans le village - où il ne cessera pourtant jamais d'être perçu comme étranger - sans jamais perdre de vue son objectif ultime: rencontrer un représentant du château. Il ne cesse d'analyser avec lucidité les situations absurdes auxquelles il est confronté et se conduit lui-même de façon parfois déconcertante - l'ambiance du livre est délicieusement kafkaïenne et les personnages sont truculents! J'ai beaucoup aimé me plonger dans cet univers si spécial, à la fois oppressant, absurde, métaphysique, mais aussi plein d'humour!