La casa de campo - un confort très relatif
La maison de Magdalena est une casa de campo qu'elle est très fière à plus de cinquante ans d'avoir partiellement construite elle-même. La route pour venir ici est non-pavée et il y a rarement une voiture qui passe, mais on rejoint en quelques minutes la route principale qui mène à San Carlos.
Nous découvrons ici des spécificités des maisons de campagne uruguayennes. Comme nous l'avons vu précédemment, le chauffage et l'isolation ne sont pas la norme ici, et nous sommes évidemment bien loin des standards suisses.
Les aléas climatiques
Vivre à la campagne implique d'être plus conscient des conditions climatiques, car elles ont un impact direct sur le quotidien. Quand il y a beaucoup de vent, il faut s'attendre à des coupures d'électricité qui durent plusieurs heures. Quand il pleut plusieurs jours d'affilée, des ruisseaux se forment dans le jardin et avec la boue il peut être compliqué voire impossible de prendre la voiture (et donc de faire les courses ou d'aller à l'école). Il faut anticiper et aussi accepter que le programme prévu ne soit pas toujours réalisable à cause des conditions climatiques. Cela demande une certaine flexibilité.
Qui dit pluie intense, dit aussi apparition de nouveaux trous sur les routes et sur les chemins, donc travail de colmatage en vue et vigilance accrue en conduisant.
Faire une lessive n'est pas si simple
Laver les habits demande de prendre en compte plusieurs points. D'abord, il faut choisir un jour assez ensoleillé, car avec un taux d'humidité de 90%, le linge n'aurait autrement aucune chance de sécher. Ensuite, il faut aller vérifier le niveau de la fosse septique, située tout proche de la maison. Magdalena m’explique que si le niveau des eaux usées est trop haut, ça remonte dans les tuyaux et c’est "el desastro"… quand il pleut trop, on ne peut donc pas faire de lessive.
La machine à laver fonctionne très bien, mais en l'absence de pompe (choix délibéré de Magdalena, qui privilégie le silence), il n'y a pas de pression d'eau et il faut verser quelques litres d'eau manuellement dans le compartiment à lessive pour qu'il y en ait suffisamment. Ma première lessive ici est associée à un souvenir rigolo: nous avions dû attendre une journée ensoleillée pour enfin faire une lessive, et quand nous avons finalement accroché les habits propres sur le fil de fer qui fait office de corde à linge… paf… il s'est décroché sous le poids des habits mouillés et tous les habits nous sont tombés dessus! Ce jour-là j'ai pensé que décidément, avoir des habits propres se mérite. :-)
L'eau: une ressource que nous apprenons à apprécier
L'eau courante provient directement de la nappe phréatique grâce à un forage profond de plusieurs dizaines de mètres. Magdalena a fait contrôler sa potabilité il y a quelques années et l'eau est délicieuse. Pas de goût de chlore comme dans les villes. Il y a un mécanisme à activer de temps en temps pour mettre en marche la pompe et remplir le réservoir d'eau situé sur le toit. Réservoir vide = pas d'eau courante, donc il vaut mieux savoir l'activer! On fait la vaisselle à l'eau froide, ce qui a le mérite de préserver les mains. L'eau chaude n'est en effet utilisée que pour les douches car il faut allumer le chauffe-eau.
En parlant de douches, vu les températures, on ne peut pas dire, ni qu'on en prend souvent, ni qu'on reste longtemps dessous. L'eau est tantôt trop chaude, tantôt trop froide, et on passe tout le temps sous la douche à essayer de trouver la bonne température. On en oublierait presque de se savonner, et quand on pense ENFIN tenir l'eau tiède, ça ne dure jamais plus de quelques secondes. Le filet d'eau étant très fin, on songe aussi à passer chez le coiffeur… des cheveux plus courts auraient le mérite de raccourcir le temps de rinçage!
Faire la vaisselle à la main est un plaisir, car la vue sur les champs rendrait inspirante l'activité la plus insignifiante. Mais il faut là encore prendre quelques précautions. Depuis quelques jours, l'évier est bouché, et comme il n'était pas possible de le réparer immédiatement, Magdalena a dévissé le tuyau et a installé une énorme bassine en-dessous pour continuer à s'en servir en attendant de le réparer. Bien sûr, il vaut mieux utiliser le moins d'eau possible pour faire la vaisselle, et penser à vider la bassine régulièrement dans le jardin, sinon on risque à nouveau un desastro… les tuyaux, ça n'est assurément pas le point fort de la maison!
Une expérience qui bouscule nos habitudes et nous pousse à interroger nos normes de confort
Nous découvrons ici une autre façon de vivre, plus simple et plus proche de la nature, mais aussi plus exigeante, car cela demande de renoncer à un certain confort et de constamment s'adapter aux surprises que chaque jour nous réserve. Je pense toutefois que le calme, les échanges avec Magdalena et les beaux paysages viennent largement compenser tous les détails pratiques.
Par ailleurs, cette expérience nous amène à nous interroger sur nos normes de confort: de combien de confort ai-je besoin au quotidien? Qu'est-ce qui m'est indispensable? De quoi puis-je me passer? Ce sont des questions très individuelles. Nous prenons conscience ici que tous les éléments de confort dont nous jouissons en Suisse ne vont pas de soi, et qu'ils font tellement partie de notre quotidien que nous ne les voyons plus. Nous commençons à les remarquer seulement quand ils nous manquent, et tout à coup, des détails qui nous paraissaient importants en Suisse nous semblent ici absolument futiles.
Nos habitudes sont bousculées, et nous devons donc nous adapter à d'autres façons de faire. J'apprécie ici de faire la vaisselle à la main, c'est presque un moment méditatif avec moi-même. Néanmoins, j'avoue que le chauffage me manque, même si je reconnais que ne pas en avoir a quelques avantages: l'air est moins sec et les denrées alimentaires se conservent des semaines.
C'est en tout cas une expérience très intéressante et il me semble qu'on s'adapte finalement assez vite à prendre de nouvelles habitudes et à composer avec ce qu'il y a ou ce qu'il n'y a pas. Probablement aussi parce que c'est temporaire et parce qu'on a choisi de venir là…
Faire la vaisselle avec cette vue, c'est un plaisir!
Les vaches du voisin un jour de beau temps…
… et départ pour l'école un jour de pluie